Le dernier des Command Car


     
   

En 1947, l'état-major de l'armée de terre lance un programme pour rééquiper en véhicules neufs ses formations. Vaste ambition que de vouloir mettre sur pied et financer, deux ans seulement après la fin de la guerre, de telles études et de telles acquisitions.

Car le programme ARMET prévoit, ni plus ni moins, le remplacement des principaux types de matériels US par leurs équivalents de conception française. Autant pour des raisons politiques, industrielles, militaires et budgétaires, il allait falloir mettre un frein à cette ambition. Comme la voie de la "gamme tactique intégrale" ne peut déboucher sur le rééquipement souhaité, l'armée essaye d'autres solutions, moins onéreuses.

Notamment, on s'intéresse de très près aux possibilités offertes par les techniques d'adjonction d'un pont moto-directeur avant (pont, boîte-transfert, suspension modifiée) à un châssis routier, lui donnant un certaine capacité de circulation hors route.

Marmon-Herrington en est un des initiateurs. En France, Sinpar et Herwaythorn suivent le mouvement. Ainsi naît la gamme "parallèle". Prévue à l'origine pour les régiments de défense opérationnelle du territoire (DOT), les matériels issus de cette gamme vont, en fait, connaître un emploi généralisé et montrer de belles capacités, puisque des milliers sont toujours en service. Qui n'a vu, récemment, un bel atelier Simca tout blanc au milieu d'une formation de VAB de l'ONU intervenant en Yougoslavie ?

Une des familles les plus prolifiques de cette gamme fut celle des "750 kg Renault". La transformation Sinpar des modèles Voltigeur / Goélette de la R2gie donne un matériel simple, agile, assez efficace pourvu que le sol soit moyennement porteur. Par contre, pour sa faible charge, il est volumineux, assez onéreux et guère utilisable dans un autre rôle que celui de transport de personnel. C'est bien un Dodge du pauvre... du très pauvre !

L'inspiration est d'ailleurs indéniable puisque les militaires, outre ce succédané de Weapons Carrier, demandent aussi une sanitaire et un Command-Car. Le carrossier parisien Carrier, déjà responsable de l'étude de la "sanitaire six brancards", propose aussi le command car.

Comme l'on part d'un châssis à cabine avancée, et faute d'idées pour s'affranchir des conceptions américaines il en résulte un premier prototype franchement laid, sorte de Dodge monté en graine, qui plus est entièrement réalisé en tôle pliée plane mécano-soudée. Le véhicule est envoyé à Mourmelon pour essais dans l'armée, mais celle-ci ne concrétise pas son désir par une passation de marché car elle s'est, elle aussi, rendu compte que le command car est un engin inutile quand il n'est pas, du fait de sa taille, nuisible en opérations.

Carrier présente alors son prototype à la préfecture de police, sans plus de succès. En revanche, le Service national de la protection civile, tout juste créé au ministère de l'Intérieur, à parmi ses préoccupations la volonté de mettre sur pied des colonnes de secours destinées à intervenir au profit des populations civiles en cas de grandes catastrophes ou de guerre.

Leur dotation comprend des camions Simca-Ford et des Chevrolet - le "Canada" est alors un des camions standards dans la police nationale - , des VLR Delahaye, des jeeps et des camionnettes Renault-Sinpar. Mais il lui manque un véhicule de transmission assez vaste pour transporter trois opérateurs et un officier.

Carrier reprend l'étude de son command-car "militaire" et le transforme en voiture radio. au passage, la caisse est retouchée, les panneaux étant maintenant nervurés pour plus de rigidité. En fait, le matériel d'origine étant plutôt spacieux - c'était bien là sa seule qualité -, l'adaptation vise essentiellement à résoudre des problèmes de fileries radio, de pose de pots d'antenne, de plans de sol et de redistribution des postes de travail. Trois matériels sont acquis sur châssis R2067 ou R2087, différents essentiellement les uns des autres par le type de moteur utilisé : soit le 671 (2 141cm3), soit le 668 (1 997 cm3). Livrés en vert armée, ces véhicules resteront dans les colonnes de la protection civile, sans presque servir, jusqu'en décembre 1971. Ils seront ensuite stockés puis confiés à des corps de sapeurs-pompiers qui les repeindront en rouge. Ils y trouveront leur plein emploi une fois par an le 14 juillet pour porter le drapeau et sa garde.

Toujours propriété de l'état, ils seront reversés au début des années quatre-vingt aux établissements de soutien logistique de la sécurité civile de Jarnac et Méry-sur-Oise. L'un d'eux sera remis dans son état d'origine afin d'être conservé. Pour conclure, notons que l'un de ces command car eut l'honneur de défiler sur les Champs Elysées en 1956 en tête de la colonne dite "temps de guerre" de la protection civile, dont le personnel était parmi les effectifs du régiment des sapeurs-pompiers de Paris.

Article paru dans Charge-Utile

   
     


     
 
Cliquez ici pour vous connecter au forum.